Civ. 3e, 16 mars 2022, n° 18-23.954

L’usufruitière d’un pavillon déclare à son assureur un dégât des eaux, puis assigne sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage les propriétaires du pavillon voisin, ainsi que leurs prédécesseurs, en réalisation des travaux rendus nécessaires par les infiltrations et en paiement de dommages-intérêts. La cour d’appel déclare les propriétaires actuels responsables sur le fondement de ladite théorie dans la proportion de 60 % des désordres affectant le pavillon de la demanderesse. Elle rejette, par ailleurs, les demandes adressées par ces derniers contre leur assureur, aux motifs que « le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage, en l’espèce les fuites sur le réseau des canalisations enterrées de la propriété de M. et Mme F, dont l’origine remonte à 1997 et 2005, soit antérieurement au 25 janvier 2007, date de prise d’effet de l’assurance multirisques habitation ». Elle considère, en outre, que les conditions générales du contrat d’assurance ne couvrent pas les dommages provenant d’une canalisation enterrée chez l’assuré et qu’il s’agit là d’une clause de non-garantie, laquelle n’a pas à répondre au formalisme édicté par l’article L. 112-4 du code des assurances. Qu’en dit la Cour de cassation ?

La haute juridiction affirme tout d’abord que l’« action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extracontractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l’immeuble à l’origine du trouble, responsable de plein droit ». Elle en conclut que la responsabilité des voisins devait être retenue, le fait qu’ils n’aient pas été propriétaires de ce fonds au moment où les infiltrations avaient commencé à se produire n’étant pas dirimant.

La Cour souligne ensuite que selon l’article L. 124-5 du code des assurances, la garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation, et que, dans les assurances « dégâts des eaux », l’assureur est tenu à garantie, dès lors que le sinistre est survenu pendant la période de validité du contrat d’assurance. Par conséquent, les juges du fond ne pouvaient rejeter la demande de garantie formulée par les voisins contre leur assureur.

Enfin, la troisième chambre civile rappelle que les clauses des polices édictant des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents (art. L. 112-4 du code des assurances), et si elles sont formelles et limitées (art. L. 113-1). En l’occurrence, la cour d’appel aurait donc dû rechercher si les exclusions de garantie mentionnaient expressément les dégâts des eaux provenant de conduites enterrées, à défaut de quoi ceux-ci faisaient l’objet d’une exclusion indirecte.

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