Civ. 3e, 16 mars 2022, n° 20-22.037

La loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance protège le sous-traitant de l’entrepreneur défaillant au moyen de l’action directe en paiement envers le maître d’ouvrage. À cela s’ajoute l’interdiction de cession ou de nantissement de créance des travaux que l’entrepreneur principal a sous-traités, sauf en cas de cautionnement personnel et solidaire au profit du sous-traitant. Dès lors, qu’en est-il de l’action indemnitaire du sous-traitant à l’encontre du maître d’ouvrage lorsqu’elle est exercée en concours avec le paiement du marché de travaux sollicité par une banque cessionnaire ?

Dans l’affaire ici commentée, l’entrepreneur avait sous-traité le gros œuvre d’un marché de travaux contracté avec une société avant de céder l’intégralité de la créance à une banque, puis avait été placé en liquidation judiciaire. Souhaitant être dispensé du paiement initialement convenu, et en l’absence de cautionnement au profit du sous-traitant, le maître d’ouvrage invoquait l’inopposabilité de la cession de créance des travaux sous-traités. Le sous-traitant reprochait quant à lui au maître d’ouvrage de ne pas avoir exécuté les obligations imposées par l’article 14-1 de la loi de 1975 en cas de défaillance de l’entrepreneur, en l’occurrence l’absence d’acceptation du sous-traitant et d’agrément de ses conditions de paiement. Or, en présence d’un sous-traité suivi d’une cession de créance, les rapports entre le cessionnaire et le maître de l’ouvrage sont logiquement gouvernés par le principe de l’inopposabilité de la cession faite en fraude des droits du sous-traitant.

Aussi la Cour de cassation énonce-t-elle qu’à défaut d’action directe, le sous-traitant qui agit en indemnisation de son préjudice sur le fondement quasi-délictuel de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 n'est pas en conflit avec le cessionnaire pour l'attribution des sommes dues par le maître d'ouvrage en exécution du marché de travaux. Elle déduit de cette absence de conflit l’impossibilité pour le maître d’ouvrage de s’opposer à l’action en paiement de la banque. Le maître d’ouvrage, débiteur cédé, reste donc tenu de payer au cessionnaire le prix des travaux que le cédant n’a pourtant pas réalisés lui-même. 

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