CJUE 25 nov. 2021, aff. C-289/20

Il était ici question de l’application du règlement n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, dit règlement Bruxelles II bis. Plus précisément, il s’agissait pour la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de se prononcer sur la notion de résidence habituelle, au sens de ce texte, en matière de divorce. Et en l’occurrence, selon la Cour, un époux qui partage sa vie entre deux États membres ne peut avoir une telle résidence que dans un seul de ces États.

Dans cette affaire, un homme de nationalité française et une femme de nationalité irlandaise s’étaient mariés en Irlande. Une vingtaine d’années plus tard, l’époux a saisi les juridictions françaises d’une demande en divorce. Il travaillait alors en semaine en France, où il était installé dans un appartement, et se rendait chaque fin de semaine au domicile familial en Irlande, pour y retrouver son épouse et ses enfants. Peut-on considérer que le demandeur puisse avoir deux résidences habituelles, de sorte que les juridictions des deux pays seraient également compétentes pour statuer sur le divorce ?

La réponse est négative. D’abord – et même si l’argument n’est pas décisif -, la Cour souligne que le règlement Bruxelles II bis ne mentionne la notion de résidence habituelle qu’au singulier. Cela exclurait qu’une même personne puisse posséder plusieurs résidences habituelles.

Elle rappelle ensuite que l’intéressé doit, d’une part, avoir établi une résidence suffisamment stable dans un État (élément objectif de la résidence habituelle) et, d’autre part, avoir eu l’intention de fixer le centre permanent de ses intérêts dans cet État (élément subjectif). Au demeurant, l’intention compte autant, voire davantage, que la durée.

Par ailleurs, la notion de résidence habituelle, pour fonder la compétence en matière de divorce, ne sera pas nécessairement identique à celle qui est retenue pour fonder, en application du même règlement, la compétence en matière d’autorité parentale. En effet, à la différence d’un enfant dont l’environnement est essentiellement familial (au moins lorsqu’il est en bas âge), l’environnement d’un adulte est nécessairement plus varié : environnement familial, mais aussi professionnel, patrimonial, etc. Si ces éléments peuvent se situer sur le territoire de plusieurs États, il convient de rechercher l’État dans lequel le demandeur a la volonté de fixer le centre permanent ou habituel de ses intérêts et la stabilité de la présence du demandeur dans cet État. En l’espèce, la Cour n’écarte pas la possibilité que tel soit le cas pour le demandeur au regard de la France. La circonstance qu’il conserve des liens avec l’ancienne résidence conjugale en Irlande n’exclut pas, du reste, un transfert de sa résidence habituelle en France.

Cette précision apportée par la CJUE à la notion de résidence habituelle sera applicable sous l’empire du règlement n° 2019/1111 du 25 juin 2019, qui remplacera, à compter du 1er août 2022, le règlement n° 2201/2003.

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