CJUE 12 mai 2022, aff. C-644/20

Peut-on considérer que des enfants retenus illicitement dans un État ont, en matière d’obligations alimentaires, leur résidence habituelle dans cet État, alors qu’avant d’y être retenus, leur résidence habituelle se trouvait dans un autre État ?

À cette question, la Cour de Justice de l’Union européenne répond positivement, en ces termes : « L’article 3 du protocole de La Haye, du 23 novembre 2007, sur la loi applicable aux obligations alimentaires […] doit être interprété en ce sens que, aux fins de la détermination de la loi applicable à la créance alimentaire d’un enfant mineur déplacé par l’un de ses parents sur le territoire d’un État membre, la circonstance qu’une juridiction de cet État membre a ordonné, dans le cadre d’une procédure distincte, le retour de cet enfant dans l’État où il résidait habituellement avec ses parents immédiatement avant son déplacement, ne suffit pas à empêcher que ledit enfant puisse acquérir une résidence habituelle sur le territoire de cet État membre ».

Était ici concerné un couple de ressortissants polonais qui eut deux enfants alors qu’il résidait au Royaume-Uni. Par la suite, la mère décida de s’installer en Pologne avec les enfants, malgré l’opposition du père, qui resta au Royaume-Uni. La mère et le père engagèrent alors, chacun de leur côté, une action en justice.

D’une part, la mère obtint d’un juge polonais la condamnation du père au paiement d’une pension alimentaire, sur le fondement de l’article 3 du protocole de La Haye. Celui-ci dispose qu’en principe, « la loi de l’État de la résidence habituelle du créancier régit les obligations alimentaires » et qu’« en cas de changement de la résidence habituelle du créancier, la loi de l’État de la nouvelle résidence habituelle s’applique à partir du moment où le changement est survenu ». Aussi, après avoir retenu que la résidence habituelle des enfants se trouvait en Pologne, ce juge accorda la pension en application du droit polonais.

D’autre part, le père obtint d’un autre juge polonais une injonction dirigée contre la mère de lui remettre les enfants, au motif que leur résidence habituelle se trouvait, avant leur retenue illicite en Pologne, au Royaume-Uni. Ce juge statua au regard des dispositions de la convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

Au vu du principe précité, la CJUE énonce qu’il ne peut être reproché au premier juge de ne pas avoir tenu compte de l’ordonnance ayant ordonné le retour des enfants au Royaume-Uni.

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