Com. 14 sept. 2022, n° 21-15.381

L’abus du droit d’agir en responsabilité pour insuffisance d’actif, qui suppose la démonstration d’une faute, n’est pas suffisamment caractérisé par les juges du fond qui relèvent que la demande du liquidateur judiciaire n’était pas fondée ni adaptée aux conséquences des manquements imputés au dirigeant.

Le liquidateur judiciaire avait ici recherché la responsabilité du directeur général afin qu’il soit condamné à supporter la totalité de l’insuffisance d’actif de la société. Sa demande a cependant été rejetée par la cour d’appel qui l’a, en outre, condamné à payer au dirigeant la somme de 20 000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. Selon la cour, « outre le fait que les demandes ne sont pas fondées, elles ont été formulées sans ménagement ni prudence, le liquidateur demandant la condamnation de M. [N] à payer la totalité du passif (en réalité de l’insuffisance d’actif), sans prendre la peine d’adapter sa demande aux conséquences des manquements qu’il lui imputait, tandis que lorsqu’elle consiste à demander une somme de dix millions d’euros à une personne physique en raison de fautes que cette personne aurait commises, elle doit être envisagée avec une prudence particulière et s’appuyer sur des éléments de droit et fait incontestables ou à tout le moins raisonnables ».

L’arrêt d’appel est cassé au visa de l’article 1240 du code civil. La Cour de cassation énonce qu’« en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser l’abus qu’elle retenait, alors que la faute de gestion reprochée devait simplement avoir contribué à l’insuffisance d’actif sans que le liquidateur n’ait à établir dans quelle proportion ni à limiter sa demande et que l’exercice de l’action ne pouvait dégénérer en abus du seul fait que les demandes n’étaient pas fondées, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».

Auteur : Éditions Lefebvre Dalloz – Tous droits réservés.