CE, ord., 28 janvier 2021, n° 448923

Lorsqu’un patient est devenu en état d'exprimer sa volonté et s'oppose à une décision de limitation de soins, les médecins doivent respecter la volonté du patient.

Il résulte des dispositions du code de la santé publique et de l'interprétation donnée par le Conseil constitutionnel (2017-632 QPC), que lorsque un patient est hors d’état d'exprimer sa volonté, la décision d’arrêter les traitements qui apparaissent inutiles, disproportionnés ou sans autre effet que le seul maintien artificiel de la vie ne peut être prise qu'à l'issue d'une procédure collégiale, destinée à éclairer le médecin sur le respect des conditions légales et médicales d'un arrêt du traitement. Doivent être respectées les directives anticipées du patient ou, à défaut de telles directives, après consultation de la personne de confiance désignée par le patient ou, à défaut, de sa famille ou de ses proches, ainsi que, le cas échéant, de son ou ses tuteurs.

Il résulte de ces mêmes dispositions que la procédure collégiale ne peut être engagée ou doit être interrompue et que la décision prise le cas échéant à son issue ne peut être mise en œuvre, lorsque le patient devenu en état d'exprimer sa volonté, s'oppose à cette décision.

En l’espèce, une femme âgée de 76 ans, atteinte d'un cancer en stade terminal a vu fin août 2020, son état respiratoire se dégrader brutalement ; une sédation et une ventilation artificielle apportant 90 % d'oxygène ont été rendues nécessaires. Début septembre il a été décidé une limitation de traitements, se fondant sur l'impasse thérapeutique quant au traitement de l'affection cancéreuse et sur la totale dépendance à la dialyse et au respirateur et retenant que la poursuite des traitements traduirait une obstination déraisonnable. Les enfants de la patiente ont été informés de la mise en œuvre de la procédure collégiale prévue par les dispositions du code de la santé publique et ont été entendus dans ce cadre. Au vu de l'état de son état de santé, il a été estimé que la poursuite des traitements relèverait de l'obstination déraisonnable. En conséquence, une limitation des traitements susceptibles de lui être administrés a été décidée.

Un premier référé a été introduit devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, tendant à la suspension de cette décision, lequel a été rejeté par une ordonnance du 30 septembre 2020. En appel, les juges des référés du Conseil d'État, statuant au regard de l'évolution de l'état de santé de la patiente, tel qu'il pouvait être apprécié au jour de l'audience tenue le 21 octobre ont, par ordonnance du 26 octobre 2020, confirmé l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise. La Cour européenne des droits de l'homme a été saisie d’un recours fin octobre 2020, il est actuellement pendant. A la suite de cette saisine, les médecins ont informé la famille de la suspension de la décision de limitation des traitements. Mais, estimant l'état de santé de la patiente encore dégradé ses médecins ont, le 31 décembre 2020, informé sa fille, du lancement d'une nouvelle procédure collégiale. Il a été décidé que la poursuite des traitements s'apparenterait à une obstination déraisonnable. Le 4 janvier 2021, les médecins ont oralement informés ses enfants de leur décision de limiter ses traitements.

Les enfants ont alors saisi une deuxième fois le juge de référés du tribunal administratif le 11 janvier 2021, afin de demander la suspension de cette nouvelle décision de limitation des traitements qui a refusé.

Toutefois, le juge des référés du Conseil d’État, saisi en appel, vient d’accepter la suspension de la décision des médecins.

Dans une lettre manuscrite, la patiente a demandé à pouvoir bénéficier de tous les traitements sans aucune limitation. Selon le juge des référés, la patiente a bien été informée de son état et a exprimé clairement sa volonté du maintien de l'intégralité des traitements qui lui sont dispensés, il s’ensuit que la décision de les limiter, bien que régulièrement prise, ne peut plus être mise en œuvre.

Lorsque le patient le demande, le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un traitement médical prime sur le droit de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d'une obstination déraisonnable.

La décision de limitation des traitements est donc suspendue.

Auteur : Éditions Dalloz - Tous droits réservés.